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LA MIRLITANTOUILLE

dement laissé sans titulaire ? Ne serait-il pas prudent de désigner lui-même un remplaçant ? Mais qui ? Boishardy ? Il était Breton et on devait craindre que cette qualité ne lui conférât bientôt, sur le chef absent auquel elle faisait défaut, une imprescriptible prépondérance. Le hasard, qui avait déjà comblé Puisaye, le tira encore de cette perplexité.

Dufour, toujours à la recherche d’un point favorable à l’embarquement, lui amène, un jour, trois émigrés qui viennent d’aborder à la côte. Ils ont « traversé » sous la conduite du jeune Prigent, effectuant, et toujours sans l’ombre d’un désagrément, son cent quarantième voyage entre les îles anglaises et la Bretagne. Ces émigrés sont Mathias de Jouette[1] et le chevalier de Solilhac[2] que Puisaye enrôle immédiatement dans son état-major. Le troisième arrivant, que personne ne connaît, se présente : « baron de Cormatin. » Il est originaire de Paris, propriétaire d’une terre en Bourgogne et n’a jamais mis le pied en Bretagne. Quarante ans, de bonne taille, de manières distinguées, s’exprimant avec facilité et doué d’une faconde qui, tout de suite, se dénonce inépuisable, il raconte abondamment son histoire, non sans l’enjoliver, probablement, de quelques traits avantageux. Sous-lieutenant, en 1772, au Royal Navarre, il a quitté l’armée pour voyager, parcouru toute l’Europe, repris du ser-

  1. Louis-Martin de Jouette, jeune émigré, originaire de Saint-Domingue. Enrôlé par Puisaye dans son état-major, il passa à celui de Boishardy. Il fut nommé colonel à l’époque de la Restauration.
  2. Chevalier de Chabron de Solilhac, survivant de l’armée vendéenne, avait gagné la frontière déguisé en volontaire de la République : il passa en Angleterre, en revint avec Cormatin qui en fit l’un de ses aides de camp. Solilhac fut nommé colonel en 1816.