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LA MIRLITANTOUILLE

dessus il partit, suivant Dufour, emmenant avec lui son fidèle domestique Laurent, et Prigent que, de ce jour-là, il attacha à son service[1]. Expédition mémorable. Sur la plage de Saint-Briac, pas un bateau ; l’ordre est venu, sous peine de mort, de désarmer toutes les embarcations et de les engraver à portée du canon des forts. Deux nuits se passent à explorer la grève. Voici enfin un vieux canot, échoué sur le sable, en si mauvais état qu’on l’a considéré comme hors d’usage. Un pied de jeune chêne servira de mât ; deux draps de lit seront les voiles ; un mauvais aviron fera office de gouvernail. Le canot est poussé à l’eau ; on embarque. À peine est-on au large que la mer devient houleuse ; « le bateau fait eau de toutes parts ; chacun s’escrime, à l’aide de son chapeau, pour l’épuiser et la jeter par-dessus bord. Au matin, on aperçoit les Minquiers, îles anglaises ; on y aborde vers dix heures et, dans l’après-midi, Prigent et Dufour continuent jusqu’à Jersey afin de réclamer aide et secours. Le gouverneur de l’île envoya aux naufragés une canonnière où Puisaye prit place avec ses compagnons, voguant vers un avenir aussi orageux que l’avait été son passé.

Ce que l’on ne connaîtra jamais, sans doute, c’est l’impression intime de Cormatin, brutalement jeté dans cette formidable aventure. On n’est pas davantage renseigné sur le motif de sa rentrée en France : — besoin d’argent ? Désir d’amadouer sa

    qui s’accordaient mal avec les expressions du certificat qu’il lui avait remis.. Il n’était plus temps !… » Mémoires, IV, 146. Et plus loin : — « Je n’ai vu de ma vie M. de Cormatin que deux jours. » Mémoires, IV, 153.

  1. Dufour, Mémoires.