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LA MIRLITANTOUILLE

quatre à cinq cents hommes. On marchera toute la nuit ; vers l’aube, on fait halte ; on est aux abords de Jugon, bourg important, fameux dans l’histoire de Bretagne. À huit heures du matin le signal est donné ; subitement la petite ville est envahie : d’abord une longue file, rasant les murs, avançant vite ; des postes sont établis sur chacune des routes, un autre chez le maire ; le gros de la troupe est déjà massé sur la place, autour de l’arbre de la Liberté qu’on voit bientôt vaciller et s’abattre, scié au pied. De grands cris : Vive le Roi ! Vive la religion et les bons prêtres ! Les Jugonnais, saisis au saut du lit par cette irruption inopinée, sortent de leurs maisons, surpris, non effrayés ; ils s’approchent, entourent Boishardy que distingue son panache blanc. Très accueillant, très gai, très familier, plein d’entrain, il accorde des laissez-passer à tous ceux qui le sollicitent[1]. Il raconte qu’il aurait pu, récemment, tuer ou enlever Boursault, aventuré dans ses cantonnements : — « C’est un bon bougre, qu’il aille se faire f… ! » Il signe un passeport à un bouvier qui conduit des bestiaux à Lorient pour le ravitaillement de l’armée : — « Va-t-en ; je ne veux pas des bœufs destinés à ces pauvres bougres de républicains qui crèvent de faim !… » Par contre, il autorise ses hommes à se partager le chargement de deux voitures d’équipements militaires. L’aumô-

  1. Ces laissez-passer sont ainsi libellés : — « De par le Roi, les généraux en chefs de l’armée catholique et royale de Bretagne. Déffense à aucun sujet du Roi de faire en aucune façon le moindre mal au porteur de la présente, 18 décembre 1794, l’an 2 de Louis XVII. » Ces laissez-passer étaient délivrés le 16 décembre. Il est probable que Boishardy les « postdatait » pour éviter qu’on en fît usage avant qu’il eût rentré sa troupe dans ses cantonnements.