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BOISHARDY

marchant militairement, allèrent droit à la demeure du général ; ils apportaient à celui-ci, de la part de Boishardy, un compliment amical :

« Général, il ne faut entre nous que quelques instants pour apprécier l’avantage de nous connaître : c’est à ce titre que nous vous devons confiance, estime, amitié et que nous nous flattons de montrer les mêmes sentiments. Notre cause est celle de la France entière[1]

Un post-scriptum ajoutait, il est vrai que Boishardy attendrait, pour traiter, « un gouvernement que de vrais Français sont en droit d’exiger » ; mais deux bouteilles de vin de Malaga accompagnaient cet élégant billet et amortissaient le fâcheux effet de la restriction. Alors advint cette chose inouïe : leur commission faite, les sept chouans de Boishardy entrèrent se réchauffer au poste des soldats de garde ; on vit les faces brunes et maigres des grenadiers de la République, — si farouches sous le tricorne roussi, coiffé de travers, et le balai de crin rouge épanoui en panache, — s’éclairer d’un bon rire pour faire accueil aux « brigands » figures rasées, bouches minces, regards aux aguets ; on vit les peaux de bique et les habits bleus se coudoyant sur les mêmes bancs et, dans la fumée des pipes fraternellement allumées, cocardes blanches et cocardes tricolores voisinant pacifiquement[2]. Ceux qui ont discerné en cette belle histoire la ruse de deux ennemis s’embrassant pour gagner le temps de s’égorger d’un coup plus sûr, ignorent à quelles illusions se complaisent la franchise sans détour et la cordialité native des Français de tous les temps.

  1. Chassin, Pacifications, III.
  2. Lettre de Boudart, juge de paix à Plemet.