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Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/94

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LA MIRLITANTOUILLE

vant », la traîtrise des embûches tendues dans l’ombre à toutes les passées praticables. Ces premiers obstacles par miracle franchis, il faut gagner une maison de refuge, souvent difficile à repérer pour qui ne connaît pas le pays et n’ose demander son chemin ; il faut encore garder présent à l’esprit le mot de passe qui change fréquemment et fixer dans sa mémoire des consignes telles que celles-ci : — « Tu diras en frappant à la porte : Pierre et on te répondra du dedans : Étienne. Ceci n’est que pour la première fois ; au second voyage ce sera Granville pour toi et Dinan pour ceux de la maison ; pour le troisième voyage tu diras François, on te répondra Saint-Louis[1]… » Quand on s’engage enfin sur la route de correspondance, le trajet est facilité, il est vrai, par les guides, les conseils, les réconforts de tout genre ; mais que de risques encore et de fatigues ! La marche de nuit par les landes et les bois ; les longues journées sous la paille d’un grenier ou dans une cache étroite ; les déguisements, les rencontres inquiétantes… C’est à travers de telles aventures que, en février 1795, parviennent au Boishardy Frotté, Bellefonds, d’Urville, Tinteniac, un habitué, presque un amoureux de ces audacieuses expéditions, et le chevalier d’Andigné qui, pour la première fois, venant d’Angleterre, débarque en Bretagne.

D’Andigné arrivait ne sachant rien des récents événements et bien décidé à s’enrôler dans quelque bande pour y faire le coup de feu. Sa stupéfaction fut grande lorsque, entrant dans le salon de Boishardy,

  1. Archives de la Préfecture de Police. Lettre de Prigent, datée de Portsmouth, 2 octobre 1794.