Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
LA MIRLITANTOUILLE

pêle-mêle avec les feutres à panaches blancs, ou les chouans de Boishardy présenter l’arme au général républicain quand il sortait sur le pas de la porte pour fumer sa pipe, un étranger aurait jugé sévèrement cette accommodante insouciance entre adversaires réputés irréconciliables. Certains épisodes de notre histoire demeurent inintelligibles à qui n’est pas de chez nous.

Un autre attrait de ces réunions était la présence de mademoiselle de Kercadio. La jeune fille « ne quittait jamais Boishardy » ; aimable, élégante, valeureuse, — charmante dans sa très petite taille, avec ses traits fins, ses cheveux châtains, ses yeux bruns, — grisée peut-être par l’étrangeté de sa situation, cette maîtresse de maison qui n’avait pas seize ans[1], étonnait un peu les nouveaux arrivants mal informés de son histoire et des raisons de son isolement. D’Andigné s’en offusqua ; tout frais débarqué d’Angleterre, il est naturel qu’il se trouvât dérouté par le spectacle de cette chouannerie pacifique et galante si différente de ce qu’il avait imaginé. Il estimait scandaleux qu’un chef royaliste affichât ainsi « sa maîtresse » ; il tranche de ce mot une question délicate que bien des chroniqueurs ont discutée, sans qu’aucun document précis ne permette, bien entendu, d’authentiquer leurs suppositions. Boishardy présentait à tous mademoiselle de Kercadio comme « sa fiancée », et c’est à quoi

  1. Joséphine Quintin de Kercadio était née le 13 juin 1779. On possède d’elle un signalement, daté de 1795, ainsi libellé : — « Cheveux et sourcils châtains, yeux bruns, nez bien (sic), bouche petite, menton rond, taille 4 pieds 8 pouces (— soit : un mètre 524.) » Renseignements obligeamment communiqués par M. A. Brohan, procureur de la République, à Saint-Brieuc.