Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pouvait rien pour les Nantais. – Voyez, conseilla-t-il, Fouquier-Tinville ou son greffier[1] ».

Robespierre, a-t-on dit, « payait en affection les services que lui rendait sa famille adoptive[2] ». Il ne paie pas qu’en affection, et son crédit dédommage amplement son entourage des soins admiratifs dont il est l’objet. Tous ceux qui l’approchent et lui sont dévoués tirent profit de sa protection : le serrurier Didiée, le distillateur Gravier, – deux fidèles, – sont jurés au Tribunal révolutionnaire, et rien qu’à se déclarer « convaincus », gagnent par an 6.500 francs ; – l’imprimeur Nicolas est également promu juré, préposé du Comité de sûreté générale[3] et, ce qui lui sourit davantage, accablé de commandes officielles : il deviendra riche en peu de temps, ce dont aura l’imprudence de s’égayer Camille Desmoulins : – « En janvier dernier, j’ai encore vu M. Nicolas dîner avec une pomme cuite… Croirait-on qu’à ce sans-culotte qui vivait si sobrement, il est dû, en nivôse, plus de 150.000 francs pour impressions, par le Tribunal… C’est ainsi que moi je suis un aristocrate qui frise la guillotine et que Nicolas est un sans-culotte qui frise la fortune[4]. » Garnier-Launay et l’épicier Lohier, dont on déguste les denrées à la table des Duplay, occupent les hautes fonctions de juges au même Tribunal ; – Duplay lui-même, pareillement juré,

  1. Annales révolutionnaires, 1912, p. 692.
  2. Lamartine, Histoire des Girondins. Élisabeth Le Bas, qui corrigea sur les épreuves le texte de Lamartine, a laissé passer cette phrase par laquelle il semble établi de façon discrète, que Robespierre ne payait pas pension chez son hôte.
  3. Répertoire Tuetey, IX, 1347.
  4. Le Vieux Cordelier, n° V. Édition Matton, p. 83.