Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/193

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reprenait : « L’œuf que la poule couve n’aura pas de germe… » « Je n’entends rien à cette théologie, fit Vilate ; dis-moi donc ce qu’est cette Mère de Dieu… – Ah ! répliqua Barère, souriant à ses pensées, ce sont des mystères que les profanes doivent ignorer : c’est la Mère du Sage qui est le centre où le ciel et la terre doivent aboutir… » Et comme Vilate réclamait des explications, Vadier grommela[1] : « Il ne badine pas. Hum ! Hum ! Il y a du vrai dans tout ça. » Qu’ils fussent exactement ou non rapportés, de tels propos témoignaient d’une irritation déclarée et très réelle, car, lorsque Élisabeth Le Bas, qui, malgré sa très prochaine maternité[2], s’était rendue au Champs de Mars, y retrouva son mari à la fin de la Fête, celui-ci, consterné, aborda sa femme par ces mots : « La Patrie est perdue[3] ! »

À la nuit close, Robespierre rentrait fourbu à cette maison Duplay d’où il était parti, le matin, si léger ; ses hôtes avaient tous assisté à son triomphe que, en gens simples, ils jugeaient décisif ; ils le félicitaient avec affection : lui les laissait parler, accablé peut-être par la révélation subite d’une disproportion flagrante entre son mérite et le rôle écrasant témérairement assumé. D’avoir vu ce grand peuple à ses pieds, avait-il pour la première fois l’intuition de sa propre médiocrité ? Ou, plus probablement, s’effrayait-il du nombre grossissant d’ennemis qu’il venait de découvrir du haut sommet

  1. Vilate, Les Mystères de la Mère de Dieu dévoilés. Passim.
  2. Son fils, Philippe Le Bas, naquit le 28 prairial.
  3. Récit de madame Le Bas. Stéphane Pol, Autour de Robespierre, 136.