Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/22

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chercher sa malle, et il s’établit dans une petite pièce, au premier étage, ouvrant au levant, sur la cour, au-dessus du hangar où travaillaient les ouvriers.

On imagine le branle-bas de cette installation, dans cette maison Duplay, où jamais rien d’anormal n’était arrivé ; la curiosité discrète des jeunes filles à l’égard de cet étranger, jeune, célèbre, un peu mystérieux ; la satisfaction du menuisier qui, maintenant, allait faire figure aux Jacobins ; l’empressement de la maman Duplay, tacitement flattée de l’ébahissement du voisinage. On n’eût rencontré parmi eux que des incrédules, en leur prédisant que ce locataire si simple, si peu exigeant, s’accommodant de tout, et qui ne possédait que quelques hardes, des papiers et des livres, apportait le désastre à l’heureuse famille qui l’accueillait sans défiance. Avant trois ans accomplis, ce sera, pour le père, la ruine et le veuvage ; pour l’une des filles, le deuil ; pour une autre, le délaissement sans fin ; pour la mère, la mort ; pour tous leurs parents et leurs amis, la persécution, la prison et la misère.

Lui, dans cet intérieur paisible où chacun s’ingéniait à lui plaire, découvrait un bien-être jusqu’alors ignoré ; jamais il n’avait goûté les calmes douceurs de la vie de famille ; aussi loin que se reportait sa mémoire aigrie, il ne gardait souvenir que d’amertumes et d’humiliations. Sa naissance