Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/237

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À cinq heures, quand ses collègues ont levé leur séance, Robespierre descend, traverse la salle du Comité, où il donne quelques signatures, affectant de ne s’absenter réellement que des délibérations communes[1]. Il se ménage ainsi une échappatoire dans le cas où les autres mettraient à profit son absence pour se débarrasser de lui, car tout membre d’un Comité qui, sans excuse valabe, se dispense de paraître durant trois jours, peut être remplacé d’office[2]. Robespierre se montra, cependant, deux fois au moins, à des séances plénières, c’est-à-dire à celles qui réunissaient le Comité de salut public au Comité de sûreté générale.

Quel regret qu’aucun des témoins survivants n’ait pensé ou consenti à tracer pour la postérité un récit sans partialité de ces assemblées pour toujours fermées à l’histoire ! On a seulement, pour les évoquer, les pamphlets ou les mémoires de gens qui n’y assistaient pas, ou les justifications et les plaidoiries de ceux qui en faisaient partie, des relations de seconde main souvent inspirées par la rancune ou l’apologie. Robert Lindet, Carnot, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Barère, Prieur, David, Vadier, Amar et d’autres devaient pourtant savoir que, eux disparus, nul ne pourrait nous léguer le procès-verbal vécu de ces scènes mémorables, dont notre imagination curieuse se fait un tableau si terrible et si grand. N’avaient-elles donc point à leurs yeux la même grandeur ? N’en gardaient-ils qu’un souvenir banal et mesquin ? Éprouvaient-ils une honte à nous dire le « j’étais là, telle chose m’advint »,

  1. Mémoires sur Carnot, I, 539.
  2. Lecointre, Les Crimes des anciens Comités.