Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/246

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C’est un échec pour Robespierre. Il n’aime pas les militaires ; ceux-là aussi, il les jalouse ; il envie leur prestige dont il a méfiance parce qu’il nuit au sien. Il a essayé de les égaler ; sans succès. Cambon, entrant un jour dans la salle où travaillait Carnot, n’y trouva que Maximilien, « environné de cartes et de mémoires militaires » ; le front dans les mains, il cherchait à s’initier aux mystères de la tactique : « Je n’y comprendrai jamais rien », gémit-il d’un accent dépité. Une autre fois, il dit à Carnot, d’un ton plus voisin de l’aigreur que de l’humilité : « Tu es bien heureux ! Que ne donnerais-je pour être militaire[1] ! » L’emphase de Barère, chargé de commenter à la tribune les rapports des armées, l’exaspérait : il aurait souhaité moins d’éclat ; les bonnes nouvelles le réjouissaient peu : il lui échappa de dire à Carnot : « Je vous attends à la première défaite[2]. » La grande victoire de Fleurus lui portait, d’ailleurs, un coup direct : à quoi bon maintenant tant d’échafauds, puisque les ennemis sont battus ? L’invasion étrangère, prétexte du gouvernement révolutionnaire, est repoussée : c’est donc la fin des tueries, des emprisonnements et des proscriptions. 11 messidor, une de ces dates heureuses où tous les Français fraternisent : le soir, illumination des Tuileries ; sur l’amphithéâtre conservé depuis la cérémonie de l’Être suprême, grand concert, comprenant la première audition du Chant du départ[3]. La foule immense,

  1. Mémoires sur Carnot, I, 530.
  2. Idem, 535.
  3. Moniteur, réimpression, XXI, iii, et Constant Pierre, Hymnes et chansons de la Révolution.