Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/346

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mot d’abaissement devant les vainqueurs ; jamais elles ne renièrent le passé. La veuve de Le Bas porta noblement le nom de son mari et ne voulut pas le changer contre un autre : plus tard, elle épousera l’un des frères de son cher Philippe, Charles Le Bas, qui mourut en 1829, et elle fut ainsi, fièrement, jusqu’en 1859, date de sa mort, – elle avait quatre-vingt-neuf ans, – « la veuve Le Bas ».

Duplay, lui, sut se faire oublier. Promené de prison en prison, avec son jeune fils Maurice et son neveu Simon, – l’homme à la jambe de bois, – il ne récrimina point, garda un silence opportun, laissant passer le terrible orage. Au bout de cinq mois, on tira le menuisier de son cachot pour procéder à l’inventaire des meubles et effets de son associé, l’imprimeur Nicolas, et de Maximilien Robespierre, son locataire. Duplay, brisé par tant d’écroulements, revit ainsi, vide d’habitants, bouleversée par les perquisitions, cette maison où il avait vécu entouré des siens maintenant dispersés et où le moindre meuble évoquait dans son souvenir tant de bonheur et de fantômes. Il dut assister à la saisie des vêtements, linge et livres de Robespierre, qui furent portés « au dépôt commun à tous les effets des condamnés[1] ». Il existe un répertoire de ce dépôt, document macabre et qu’on ne peut feuilleter sans horreur ; mais, sauf d’importantes exceptions, les objets sont mentionnés en bloc : « 90 gilets de toute espèce ; 23 pantalons tant bons que mauvais ; 42 culottes ; 12 houppelandes dont une de vi de chourat » (vitchoura) et sans attribution

  1. Archives nationales, F7 6694, 1er ventôse an III.