Page:Lenotre - Robespierre et la « Mère de Dieu », 1926.djvu/80

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on avait, à Paris, la veille, coupé vingt-quatre têtes et on allait en couper vingt-cinq ce jour-là… Robespierre continua, plus nerveux encore qu’à l’ordinaire : le tic qui crispait son visage grêlé, le pianotement fébrile de ses doigts sur l’érable de la tribune, trahissaient son émotion. Sauf quelques crachats à ses ennemis abattus, à Condorcet, « l’académicien méprisé de tous les partis », à Danton, « le plus dangereux des conspirateurs, s’il n’en avait été le plus lâche… », le discours, très travaillé, se tenait dans les hautes régions de la métaphysique : c’était un acte de foi en Dieu et de croyance à la vie éternelle ; certains passages atteignaient à la grande éloquence ; mais la marche en était si tortueuse, le développement si touffu que les auditeurs ne discernaient pas quel en serait l’aboutissement[1]. On applaudissait chaque fois qu’on pouvait. Robespierre conclut en présentant un décret par lequel le peuple français reconnaissait l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme, ce qui ne laissa pas de produire une sorte de stupéfaction. On avait cru d’abord à un simple exercice oratoire, « sans but et sans objet » ; quand on comprit qu’il voulait un vote, on obéit d’enthousiasme ; des voix renchérirent, demandant l’impression du rapport ; Couthon, porté à la tribune par le gendarme qui lui servait de monture, exposa que « la

  1. On a prétendu, sans preuve, que, pour ce discours fameux, Robespierre avait réclamé et obtenu la collaboration d’un prêtre, – constitutionnel, bien entendu. Quérard, – Dictionnaire des supercheries, – l’attribue à un abbé Martin ; Chalot, dans un petit livre devenu assez rare, Ce bon monsieur de Robespierre, publié en 1852, assure que le discours fut l’œuvre de Porquet, précepteur de M. de Boufflers. Beaurepaire, Le Louvre, 201, n.