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derrière les vieux murs en ruines

Dans la pièce voisine, sombre, humide, d’où s’exhalent d’âcres odeurs, une forme est affalée, que je distingue à peine.

La vieille soulève une loque, découvre un visage aux cheveux noirs, épars, aux yeux grands ouverts, au teint blême, beauté de folle, terrifiante, malsaine, dont on reste obsédé. Cette femme gît immobile, ne bronche même pas lorsque Si Bouchta promène une bougie tout près de sa face où luit un regard tragique et vague.

— Voici des années, Allah les a comptées ! qu’elle ne se lève plus, ni ne prononce une parole… dit le vieillard.

La chaîne pend le long du mur, à peine relevée pour enserrer le col d’une créature inerte…

Des pestilences me chassent ; l’angoisse étreint mon cœur. Cette folle, vraiment folle, est-elle plus troublante que le nègre raisonnable en sa cellule d’aliéné ?

Je suis les gardiens, fiers de leur maison, à travers un corridor grossièrement pavé, le long duquel s’ouvrent des réduits, sans portes, comme une écurie. Au fond de ces pièces, déjà sombres, s’enfoncent des antres, des cachots, où l’atmosphère s’alourdit. Et j’aperçois, à la lueur de la chandelle que tient Si Bouchta, des êtres hirsutes, hâves, défaillants, cadavres qui remuent encore, larves agonisant dans les ténèbres.

Certains se dressent à notre approche, font quelques pas, tendent leurs chaînes. La plupart,