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derrière les vieux murs en ruines

Saxe dépareillé ; un vieux secrétaire enroule symétriquement les veines de ses admirables bois aux tons chauds. Les étagères soutiennent des vases vieillots, des fleurs sous globe ; une potiche de Sèvres, laide et bleue ; des coupes en argent, ornées de guirlandes.

En face des horloges, deux fauteuils Louis XVI sont adossés à la muraille. Ils attendent… Qui ?… des marquis, des ambassadeurs ?… Les Marocains n’ont point coutume de s’asseoir, ils préfèrent les sofas où s’accroupir.

Ces pauvres fauteuils, inutiles, servirent peut-être à des mariées, aux jours de leurs noces… Personne, à présent, n’oserait s’y poser, ils ont l’air trop vieux, trop fragiles. Leurs soies, presque décolorées, se fendent en maintes déchirures, leurs ors sont ternis, et leurs bois vermoulus.

Au centre de la salle s’érige, sur une console dorée, le plus beau jouet à musique dont puissent jamais s’égayer les longs ennuis d’une sultane. Mouley Hassan remonte la vieille mécanique. Il en sort une petite ritournelle chevrotante et surannée, une voix amortie qui semble traverser les âges pour parvenir jusqu’à nous. Et l’harmonie en est exquise, touchante et douce comme une aïeule. Elle nous enveloppe de très anciens rêves, de sensations lointaines, imprécises, et qui font mal, tendrement, délicatement…

Tout vit à nouveau sous le globe de verre qui protège un petit paysage d’autrefois : une frégate,