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derrière les vieux murs en ruines

mousseline. Il ne reste plus qu’à poser le fistoul[1].

Une discussion s’engage entre la mère et la tante d’Isthir. L’une tient un fistoul de soie citron liseré d’or, l’autre un fistoul de soie pistache liseré d’argent, et chacune veut imposer son choix. La dispute s’envenime, devient aigre et tout à coup se termine par la victoire du fistoul vert, dont l’aroussa est aussitôt parée. Alors on apporte les bijoux : les colliers de perles, la main d’or préservatrice du mauvais œil, les bracelets, les bagues aux pierreries voyantes, les boucles d’oreilles en émeraudes, que l’on me prie de poser moi-même le long du visage.

La mariée est prête.

Elle trône sur une estrade au-dessus de l’assistance. Elle a pris enfin l’attitude solennelle convenant à une aroussa. Je ne puis plus l’identifier à la fillette qui, ce printemps, me servit le thé avec des allures de petite Française. Cette ridicule poupée, haute en couleur, ces vieilles dont les seins pendent et ballottent dans l’échancrure du boléro d’or fané ; ces rondes matrones en robes de cotonnade, me semblent aujourd’hui très étrangères, d’une autre espèce humaine inapparentée à la nôtre…

Pourtant Isthir porte des jupons et des chemises ornés de dentelles. Quand elle partira pour la France, une couturière l’affublera d’un

  1. Voile de soie tombant jusqu’aux reins et réservé aux Juives mariées.