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derrière les vieux murs en ruines

et luisante sous le fard, ou si, plutôt, Mohammed le vannier n’est point paralysé par une telle hideur !… Pauvre fille, à quoi songe-t-elle tout le jour, dans son coin sombre, en l’attente des nuits qui renouvellent sa déception ?… Sans doute elle se croit belle, puisqu’on l’a parée, revêtue de caftans multicolores, chargée de bijoux et de verroteries…

Les voiles retombent. Je félicite la vieille, comme il convient, sur sa vilaine petite mariée, et je forme des vœux pour son bonheur.

Hors du ktaa, il semble que l’on respire un peu, malgré l’encombrement de la chambre. On me désigne la place d’honneur sur le sofa, en face de la porte. J’aperçois la cour au sol inégal entre le délabrement des murailles chevelues d’herbes ; une vigne étend sa treille au-dessus de cette misère en fête.

Il me faut accepter le thé, qu’on me présente en un verre poisseux, autour duquel voltigent des guêpes, et j’ai grand’peine à échapper aux restes de couscous et aux carcasses de poulets, dont une douzaine de mains ont déjà retiré la chair et tripoté les os. Mais ils me sont offerts avec tant de bonne grâce, une si insinuante amabilité, que j’invente je ne sais quel prétexte pour excuser mon absence d’appétit… Et puis, au bout du patio, cette tenture décolorée, d’où sort un perpétuel bourdonnement et qui semble, par moments, gonflée de yous-yous et de cris, irrite