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derrière les vieux murs en ruines

Je n’imagine guère, du reste, sa lourde personne errant à travers les cours et les couloirs. C’est à peine si je la vis faire quelques pas dans les allées du jardin, vite essoufflée par cet effort.

— Aïcheta te guidera, me dit-elle aujourd’hui, en désignant une esclave. Pardonne-moi, ô ma fille, de ne t’accompagner comme je le voudrais, car mes membres affaiblis se refusent à moi.

La négresse m’entraîne dans le palais, dont je ne connais encore qu’une partie, et, consciencieusement, elle m’en fait visiter tous les recoins : les cuisines sombres, noircies de fumée, où flotte un relent d’huile et de graisse ; les chambres à provisions, pleines d’énormes jarres ventrues ; les escaliers étroits, les couloirs innombrables ; le « menzeh[1] », dans lequel le Chérif aime à recevoir ses amis, et qui a, sur le premier vestibule, son entrée indépendante ; les salles immenses, étincelantes d’ors, de peintures et de mosaïques, toutes garnies de sofas et de coussins en brocart ; et les cinq patios, différents d’âge et de style, mais également admirables. Ils furent construits par les ancêtres de Lella Fatima Zohra, à mesure qu’augmentaient l’opulence de la famille et le nombre des épouses. Les galeries du premier étage sont soutenues par des piliers sur lesquels repose l’entablement. Dans chaque patio l’eau scintille, telle la gemme précieuse au milieu de

  1. Lieu « d’où l’on voit », sorte de belvédère.