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derrière les vieux murs en ruines

habite une belle chambre et n’a rien à faire detout le jour. Les autres, les pauvres ! retournent avec les esclaves et travaillent comme des ânes.

— Et toi, Aïcheta ? demandai-je curieuse.

— Ô mon malheur ! Le Seigneur ne m’avait pas désignée pour être une « maîtresse des choses ». Je ne passai, chez Mouley Hassan, qu’une seule nuit…

Aïcheta est noire et simiesque. Je m’étonne même que notre hôte n’ait pas jugé à propos de faire une infraction à sa coutume.

— As-tu vu ces vieilles qui filaient dans l’autre cour ? continue la négresse, elles ont eu des jours heureux, lorsque le Chérif était jeune… À présent, qui songerait à les regarder ? Allah seul reste immuable…

— Certes ! qu’Il soit exalté. Mais, dis-moi ce que devient une favorite quand elle a cessé de plaire ?

— Si ton vêtement de soie est abîmé, tu en fais un chiffon pour nettoyer les plateaux…

— Ainsi, elle retourne parmi les esclaves ?

— En vérité ! et nous nous moquons d’elle ce jour-là.

La face de guenon grimace d’un rire mauvais.

— Il ne tardera pas à luire pour Messaouda, la fière, ajoute-t-elle, en désignant une négresse qui allaite un nouveau-né. Un sein noir et luisant sort d’une large manche de son caftan, où disparaît la tête de l’enfant.