Il trottine auprès de moi, rasséréné, mais tout à coup je sens sa main trembler dans la mienne.
Une troupe de gamins remonte la rue avec des cris épouvantables.
— Sellal Qlouba ! hurlent-ils, Sellal Qlouba…
Les boutiquiers inquiets rabattent en hâte les volets de leurs échoppes ; les fillettes qui allaient à la fontaine, chargées de leur cruche, se sauvent en pleurant ; des femmes affolées s’empêtrent dans leurs haïks ; quelques hommes se précipitent vers la mosquée…
Dès qu’il est à la maison, Saïd, encore tout ému, terrorise les petites filles par ses descriptions.
— Il est plus grand qu’un minaret, il a un ventre comme une outre. Sa bouche ! ô mes sœurs ! sa bouche est semblable à Bab Mansour[1]. Vous pouvez demander à ma mère. Elle l’a vu.
Qui donc oserait nier l’existence d’un être qui met toute la ville en panique ?
Sellal Qlouba !
L’arracheur de cœurs !
- ↑ La plus monumentale porte du Maroc, à Meknès.