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derrière les vieux murs en ruines

toute proche de cette ardente nature en liesse ; Soudain elle bondit et disparaît dans les lointains verts de l’arsa. On dirait la fuite d’un animal apeuré.

Fathma la cheikha continue ses chansons, mais sa voix s’adoucit et parfois se brise :

Ô nuit ! — gémit-elle, — ô nuit !
Combien es-tu longue, ô nuit !
À celui qui passe les heures
En l’attente de sa gazelle
Et veille la nuit en son entier !

Ô Belles ! ô chanteuses ! ô celles
Vers qui s’envole mon esprit !
Si vous êtes filles de Fès et nobles,
Je me réjouirai parmi vous.
Je ne vous quitterai pas.
Qu’est la vie sans amour ?…
La mort me convient mieux.

Ô jeune fille étendue, es-tu malade ?
T’a-t-on frappée, chère colombe ?…
Tes joues sont des pommes musquées,
Tes lèvres ont la pulpe juteuse
Des raisins roses du Zerhoun
Quand l’automne dore les vergers ;
La chair des pastèques est moins fraîche
Que la tienne où je veux mordre…

Ô nuit ! ô nuit ! Combien es-tu courte, ô nuit !
À celui qui passe les heures auprès de sa gazelle !
Enamouré il ne peut dormir.
Il avait espéré, tant de jours !

Le chant me berce… Une torpeur tombe du ciel avec le soleil qui s’égrène sur nous en mille