Page:Leo - Aline-Ali.djvu/144

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de l’Avençon et au pied des Diablerets, dont on devait le même jour tenter l’ascension.

Aux deux tiers environ du chemin de Grion à Anzeindaz, après avoir franchi le torrent, au sortir d’une forêt de sapins, on pénètre dans un étroit vallon où se trouvent deux chalets abandonnés. C’est un lieu sauvage, un peu triste, dont tout l’horizon se compose du massif énorme des Diablerets, et des effets d’ombre et de soleil qui se jouent sur le front d’Argentine. Argentine, la plus coquette et la plus jolie des crêtes de montagnes qui entourent Grion. Du moins un montagnard parlerait ainsi ; car ces grandes masses, que depuis l’enfance il connaît, pour lui sont vivantes et possèdent chacune leur personnalité distincte. Tour à tour propices, menaçantes, capricieuses, riantes, elles ont leur caractère, leurs intentions, leurs malices ; il les traite à l’occasion, tantôt en amies et tantôt en ennemies ; et ce langage imagé recouvre un sentiment difficile à sonder, inavoué de celui qui l’éprouve, mais où se cachent encore, peut-être, bien au fond, les vieilles traditions des esprits de la montagne.

Afin de ménager leurs forces pour l’ascension, chacun des touristes avait sa monture. Deux guides conduisaient l’expédition, et derrière M. de Maurion, Ali et Paul, devenus inséparables, fermaient la marche. Une même impression les arrêta l’un et l’autre au seuil du vallon dont nous venons de parler, et ils se plurent à le contempler.

« Comment nommez-vous ce lieu ? demanda Paul à l’un des guides, homme de cinquante ans, à figure honnête et intelligente, appelé Favre.

— Ça, monsieur, c’est le pâturage de Sollalex.