— Mais, hélas ! nous en sommes, nous, de ces monarques !
Aussi, répondit-elle, rachèterons-nous ce crime en travaillant à nous détrôner nous-mêmes. »
Elle s’avança d’un pas rapide vers les travailleurs. Les hommes commençaient le rang, qui s’achevait à gauche par les femmes ; ce fut du côté de celles-ci que Mlle de Maurignan se trouva.
« Je suis venue vous apporter un peu de la fraîcheur des caves du château », dit-elle.
Les moissonneuses s’arrêtant, souriantes, essuyèrent leurs fronts. Une seule, malgré la présence de la jeune maîtresse, continua de brandir d’un bras fiévreux sa faucille et de couper son sillon ; des seins gonflés soulevaient sa rude chemise, et à l’autre bout du champ, sous la haie, retentissaient des cris d’enfant.
« Eh quoi ! dit Mlle de Maurignan, une nourrice ! ici !
— Dame, répondit l’une des femmes, elle n’a pas de mari qui lui gagne son pain ni le lait du petit gars. C’en est une qui s’est laissée tromper par un homme. »
Aline versa le premier verre et le porta elle-même à la pauvre mère, qui le but d’un trait, puis revint aux autres moissonneuses ; mais la première à qui elle s’adressa, montrant les travailleurs mâles, dit timidement :
« Après eux, mam’zelle, si vous voulez.
— Après eux ! pourquoi ? dit la jeune fille, commencez. »
La femme obéit, et tout en remplissant les verres Aline s’informa du salaire que chacune gagnait ainsi