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Page:Leo - Aline-Ali.djvu/348

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— Ça serait trop fort, que les femmes seraient payées comme nous », répéta le paysan.

Sans répondre davantage, Aline passa, offrant à boire aux autres moissonneurs, et Paul, resté près de l’obstiné, chercha vainement à le convaincre. Avec l’entêtement particulier à certains cerveaux populaires, qui, n’écoutant pas même les arguments qu’on leur présente, répètent invariablement celui qui s’est logé dans leur esprit et l’obstrue, le moissonneur continua de répéter que ce serait une honte de voir les femmes payées autant que les hommes, et qu’alors il faudrait donc apparemment que ce fussent les hommes qui fissent le ménage et qui élevassent les enfants.

« Ce n’est pas nous qui sommes allés chercher les femmes pour les amener dans ce champ, objecta Paul, elles y sont venues d’elles-mêmes, probablement pour de bonnes raisons. Puisqu’elles travaillent, laissez payer leur ouvrage ce qu’il vaut.

— Comme ça, dit l’homme en se croisant les bras, je vas me laisser nourrir par ma femme, alors ?

— Vous ne seriez pas le premier, objecta Paul en souriant. Mais, dites-moi, toutes ces femmes qui sont là sont-elles mariées ?

— Non ; il y en a une veuve, une autre vieille fille, et une autre qui n’est ni veuve ni fille, et qui a un petiot à nourrir, pas moins.

— Vous voyez que celles-là ne peuvent compter sur l’homme pour en recevoir aucun bien, et puis…

— Tout ça, monsieur, ça ne me regarde pas. Je dis que les femmes sont les femmes, et les hommes les hommes, et que, si elles étaient payées comme