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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/12

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imprimée, se fixa plus loin ; sur son front s’accumulèrent les voiles de la rêverie, et, se laissant dominer par les harmonies qui l’entouraient, il tomba dans une somnolence où il n’entendit plus, sur la basse continue d’un immense fourmillement, qu’une succession irrégulière de petits bruits secs, pareils au pétillement d’une grêle menue. C’étaient les gousses des genêts qui, sous l’influence de la chaleur, se fendaient, laissant échapper leurs semences. Il était environ cinq heures, et le soleil couchant dardait ses rayons sur le coteau, dont le champ de genêts marquait la déclivité.

Tout à coup le jeune rêveur entendit le son de voix humaines qui se rapprochaient de lui. S’arrachant au monde végétatif, où il se plaisait à plonger sa propre vie, il redressa la tête et écouta ; la pureté d’intonation de ces voix l’avait frappé. Presque également fraîches et harmonieuses, ce devaient être celles d’une jeune femme et d’un enfant. On entendait en même temps le froissement de pas légers sur le sol et un frôlement de souples étoffes. Deux ombres, dont l’une beaucoup plus petite que l’autre, glissant à la surface des genêts, s’allongèrent vers Émile, effleurèrent sa tête, puis s’abaissèrent tout à coup. Les voix maintenant partaient de plus bas. Évidemment les corps producteurs des ombres venaient de s’asseoir.

« Il serait discret de signaler ma présence, » pensa le docteur.

Mais aussitôt le nom de maman, prononcé par la plus frêle des deux voix, frappa son oreille.