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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/136

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la douleur sans cris. Elle n’osa parler et redescendit, toute préoccupée, près de sa mère. Et quand elles eurent quitté Jeanne, la petite, mystérieusement, raconta ce qu’elle avait vu. Une vive rougeur couvrit le visage de la jeune femme ; elle parut hésiter, fit un pas comme pour retourner au moulin, et finit par continuer son chemin, lentement et la tête baissée.


V

Il y avait trois jours que cette aventure s’était passée.

Le baron et sa fille se trouvaient dans le petit salon qui ouvre sur le chemin du bois. Antoinette brodait une tapisserie, du moins elle la tenait dans sa main ; les yeux étaient ailleurs, l’esprit également, à en juger par l’air profondément soucieux et triste de la jeune femme. Le baron feuillait un livre.

La porte vitrée s’ouvrit, et Marthe fit irruption dans la chambre. Elle tenait entre ses doigts un gros scarabée qui agitait désespérément toutes ses pattes, et, fière et embarrassée de sa conquête, la petite fille criait à la fois de joie et de peur. Tandis que le baron, sommé de déclarer le nom du prisonnier, interrogeait sa mémoire, la jeune mère attira l’enfant contre ses genoux et essuya son front humide. Marthe fit entendre une petite toux.

— Je ne sais ce qu’a Marthe, dit Mme de Carzet. Voilà plusieurs fois qu’elle tousse depuis hier. — Et s’adressant à l’enfant et l’enlevant tout à fait dans ses bras : Tu t’échauffes trop, ma chérie, à courir sans cesse