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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/146

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— Oh ! par la mienne aussi, dit-elle avec tendresse ; car j’aurais dû comprendre tout de suite que mon devoir et mon bonheur étaient de vous rendre heureux. Mais vous avez fait, j’en conviens, tout ce qui était nécessaire pour nous séparer. Quand chaque jour, dans l’intimité de nos plans, de nos travaux, de nos causeries, vous pénétriez plus avant dans mon cœur, et me deveniez tout à fait indispensable, quand je me laissais aller sans défiance et avec bonheur à ce sentiment nouveau, aussitôt vous vous êtes hâté de m’avertir, de me montrer où j’allais sans y prendre garde, et dans cette eau dormante et paisible des commencements de notre amour, vous avez jeté une grosse pierre en me disant : « Madame ! comment ! vous ne voyez pas qu’il s’agit d’amour entre nous ? Mais rappelez donc vos résolutions ; car il est grand temps. »

Elle souriait finement en le regardant, de ses beaux yeux brillants et humides, et il la contemplait enivré.

— Je n’étais qu’un fou, je le vois ; mais je me disais ? « De telles résolutions sont vaines quand on aime ; puisqu’elle les garde, c’est qu’elle ne m’aime pas. »

— Mon ami, sommes-nous si logiques ? Hélas ! nous nous jouons de nous-mêmes étrangement. Je souffrais quand vous refusiez de vous faire le complice discret du sentiment qui m’entraînait vers vous, et ce sentiment je n’hésitais pas à le combattre. Le raisonnement, en général, cela peut bien être une mathématique ; mais la raison personnelle est quelque chose de vivant qui a, comme la plante comme l’être, ses lois de crois-