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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/26

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ma compassion a été trompée, et cependant je n’ai pu comprendre encore comment de mauvais sentiments peuvent être produits par de bonnes actions.

Elle dit cela d’un air si touchant que le cœur du jeune homme en fut profondément remué. Ce fut par un effort qu’il ramena sa pensée au sujet précis de l’entretien et répliqua pour retenir encore la jeune femme :

— C’est que tout mal est fait de lâcheté comme toute maladie est faiblesse de quelque organe. Et, sur ce point, la thérapeutique morale est à refaire dans le même sens où l’on a refait la nôtre. Ce n’est plus de calmants et de débilitants qu’il s’agit, mais de toniques.

Mme de Carzet sourit.

— Et quelle serait, monsieur, votre panacée ?

— L’instruction, madame. Pour l’homme, en toutes choses, savoir c’est pouvoir.

Elle attacha sur lui de grands yeux rêveurs, sous lesquels il faillit perdre contenance, et dit ensuite :

— Je crois, monsieur, que vous avez raison. Mais comment aborder une œuvre aussi vaste ?

— Ah ! madame, répliqua-t-il, vous douteriez de votre pouvoir !…

Peut-être n’était-ce plus à l’instruction populaire que songeait le docteur Émile en faisant cette réponse peu catégorique, ou ce sujet le passionnait fort, car ses yeux brillèrent et une rougeur colora son visage. Ou bien, était-ce le reflet du couchant qui empourprait les nuages au-dessus de