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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/3

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beau garçon, l’harmonie de ses traits flattait le regard, d’autant mieux qu’elle résultait moins de la régularité que d’une expression de bonté, de douceur et d’intelligence. Retenu par cette première impression, toute sympathique, si l’on eût cherché à pénétrer plus avant et à conjecturer sur le caractère de cet inconnu, on eût trouvé dans l’œil bleu, mêlés à l’ardeur des sentiments nobles, les nuages de la rêverie, et l’on eût deviné qu’à l’impressionnabilité du cœur se joignait peut-être cette impressionnabilité de l’esprit qui produit l’indécision.

Il se dirigeait vers la ville, et tous ceux qu’il rencontrait, sur la route d’abord, puis dans les rues, le saluaient comme une connaissance. De la part des hommes du peuple, le salut avait quelque chose d’intime et d’affectueux. Ceux-là, en effet, aiment volontiers dès qu’ils estiment ; on ne les rend humbles que par la défiance et la crainte. Une ou deux fois le jeune homme fut arrêté dans sa marche par des gens qui l’abordèrent. Une femme vint lui présenter un enfant, qu’il prit dans ses bras et qu’il examina soigneusement, en appliquant l’oreille sur sa poitrine ; après quoi, s’approchant d’un de ces bancs qui, à la campagne, bordent presque toutes les maisons, il griffonna sur ses genoux un billet, le remit à la mère et poursuivit son chemin.

« Où va donc aujourd’hui le docteur Émile Keraudet ? » cria de sa fenêtre, au capitaine Montchablond, Mlle Chaussat, qui, assise comme à l’ordinaire derrière ses volets entre-baillés, maniait son crochet avec une dextérité