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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/41

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lin, et si haletant et si échauffé qu’il s’arrêta à l’ombre d’une haie pour se remettre un peu. Ses regards, attachés pendant ce temps sur la maisonnette, ne découvrirent point à l’entour la forme gracieuse qu’il craignait de voir s’en allant déjà.

Comme la veille, la maison était vide, et il trouva la malade occupée à sarcler dans le jardin.

— Vous ne voulez donc pas vous reposer ? lui cria-t-il.

— Eh ! mon cher monsieur, que voulez-vous ? l’ouvrage commande.

— Tenez, on ne peut pas raisonner avec vous, dit le jeune médecin.

Et cependant il s’assit près de Jeanne sur le petit mur en pierres sèches qui séparait le jardin du champ de genêts, et laissa la bonne femme lui raconter longuement toutes ses misères :

— On les croyait riches, parce qu’ils avaient ce pauvre moulin et leur maisonnette ; mais, hélas ! tout cela n’était point à eux, puisqu’ils avaient été forcés d’emprunter sur hypothèque, et qu’il fallait servir l’intérêt sur le maigre gain des moutures. Car ils avaient eu bien des malheurs, à commencer par une fille qu’ils avaient perdue, et ensuite un garçon de quinze ans, tout élevé, qui gagnait déjà. Ils n’avaient pourtant rien fait au bon Dieu, du moins à leur idée. Et pourtant, maintenant que leur autre fille était mariée, et qu’ils n’avaient plus que leur seul garçon pour les soulager un peu, ne voilà-t-il pas qu’il était menacé de la conscription ! Si bien qu’elle n’avait pas d’autre souci, et que le serrement de cœur l’en réveillait toutes les nuits.