Aller au contenu

Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou de provoquer les épanchements et les questions, elle promenait ses grands yeux sur cette foule attentive, devinait par les physionomies les pensées, illuminait l’idée par un mot heureux et faisait de tous ces fronts jaillir l’étincelle !

Un soir qu’il venait d’entrer et de se placer au fond de la salle, en face d’elle, leurs yeux se rencontrèrent. La voix de la jeune femme s’altéra tout à coup ; une rougeur colora son visage, et pendant le reste de la leçon elle montra de l’embarras. Émile se retirait, la classe achevée, quand il entendit derrière lui ce pas léger et ce doux bruissement de robe qu’il connaissait bien. Une petite main enlaça le bras du jeune homme, et il se sentit tout enveloppé du parfum qu’elle mettait dans sa chevelure et de l’atmosphère chaste et enivrante dont elle marchait entourée.

— Monsieur, lui dit-elle d’un ton demi-plaisant et demi-confus, je ne veux plus vous avoir à mes lectures. Vous m’intimidez.

— Quoi ! est-il possible ? répondit-il ; et vraiment, éperdu comme il l’était, il ne pouvait se croire tant de pouvoir.

— Oui, reprit-elle, je ne sais pourquoi, mais cela est ainsi. Au commencement, j’étais toute à mes écoliers et ne m’inquiétais pas si vous étiez là. Mais à présent, mon Dieu, serait-ce donc que mon zèle s’affaisse ? Enfin, monsieur, votre présence me trouble ; je me sens devant un juge redoutable et n’ose plus dire les naïvetés qui vont à mon auditoire. Ma pensée n’est plus