Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/8

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veau à descendre jusqu’au lit du ruisseau, où sous la voûte des chênes, de grosses pierres offrent un passage ; et, suivant un sentier qui serpente le long d’un bois, au bord d’un champ de genêts, il s’éleva sur les flancs d’une troisième colline, au-dessus de laquelle tournoyaient, avec lenteur et majesté, les grandes ailes d’un moulin à vent.

La chaleur était supportable. Une brise la tempérait, et de plus ce voile vaporeux qui flotte dans l’atmosphère bretonne, au-dessus des mousselines blanches dont le visage des belles filles est abrité. Les senteurs musquées du bois de chêne et l’âpre haleine des genêts remplissaient l’air, et c’était à peine si l’on saisissait au passage le doux parfum de la petite rose de l’églantier, qui arrondissait ses guirlandes autour de la haie. Le pas d’abord vif et alerte, d’Émile Keraudet s’était ralenti ; ses yeux s’emplissaient de rêverie. Parvenu au sommet de la colline, il s’accouda un instant sur le piédestal d’une croix de pierre — depuis une demi-heure qu’il marchait c’était la troisième — il jeta sur la plaine un long regard, parut hésiter sur la direction qu’il allait suivre, et prit le chemin du moulin à vent.

Ce pittoresque engin de l’industrie primitive est une des choses regrettables que les progrès de la science s’apprêtent à nous enlever. Dans ces grandes ailes tournant au sommet des collines, réside une poésie mystérieuse, et à les voir s’élever incessamment pour sans cesse retomber, on dirait la lutte égale, éternelle, de l’espérance et de la fatalité. Enveloppées tour à tour