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Page:Leo - Attendre - Esperer.djvu/94

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funestes souvenirs et fondre dans l’union de toutes les bonnes volontés les inégalités qui existent encore.

— C’est parce que ces inégalités sont encore profondes, surtout c’est par ce que ces bonnes volontés sont rares, qu’il y faut, reprit Émile, un agent plus âpre et plus ardent. Confier aux privilégiés le rachat des déshérités, folie ! Si la Révolution déjà n’avait pas fait entendre les grondements de son tonnerre, pense-t-on qu’aurait eu lieu la nuit du 4 août ?

— Sur quel jacobin avez-vous marché aujourd’hui ? s’écria M. de Beaudroit avec impatience.

— Ah baron ! quel ton de grand seigneur vis-à-vis des républicains !

— J’avoue que je n’ai pas encore mis ma main dans celle de M. de Robespierre. Ai-je tort ? ai-je raison ? Que diable ! mon cher ami, je suis né trente ans avant vous ; il faut un peu d’indulgence. Et puis ma grand’mère a eu le cou coupé par les jacobins, et l’on m’a appris pour cela, tout petit, à leur en vouloir. Rancunes personnelles, je ne dis pas, et qui ne prouvent rien ; mais…

— Personne plus que moi, monsieur, ne respecte vos intentions et n’admire vos actes en faveur du peuple.

— Je n’entends nullement être admiré, dit le baron en se rasseyant, car j’agis dans mon intérêt, aussi-bien que dans celui des autres. Vous avez mis des armes entre les mains d’un enfant ; je tâche de faire de cet enfant un homme, afin d’éviter les accidents que par étourderie ou sottise il pourrait commettre. C’est affaire de simple bon sens ; car je ne suis ni de ces ambitieux qui