Aller au contenu

Page:Leo - Grazia.djvu/100

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ché, pur, sous le voile épais du mouchoir qui le couvrait ; ses yeux splendides baissés, ombrés de leurs cils épais ; sa bouche rose largement fendue, pleine d’amour et de bonté ; ce cou, d’un galbe charmant, encadré par le col de la chemise aux boutons d’or ; et l’adorable contour de son sein de vierge, dessiné par les plis de la chemise et les pans étroits du corset.

Au-dessous de la jupe brune qu’elle avait mise pour échapper dans la nuit, se laissaient voir deux pauvres pieds blancs, déchaussés comme ceux des filles pauvres, pour faire moins de bruit. Je la trouvais belle et charmante, un vrai joyau champêtre et artistique à la fois, une réalisation de l’antique. Et le sang me bouillait à l’idée qu’un sauvage, imbu des ivresses barbares du vieux despotisme, oserait briser entre ses mains cette fleur de jeunesse et de liberté sacrée, cette fille des Grâces d’Homère, implantée par les vents de la mer sur le sol de la Sardaigne.

— Grazia, lui dis je, voulez-vous fuir ?

Elle me regarda tout effarouchée.

— Quelque part… Voyons… chez votre tante de Sassari ?

— Contre mon père !… Elle ne voudrait pas. Et moi, est-ce que je puis ?… Oh ! non !… non ! Mais je ne puis rester longtemps ; laissez-moi voir Effisio !

Elle ne m’écoutait plus ; je la conduisis dans la chambre du malade. Il ne dormait pas ; ses yeux inquiets erraient autour de la chambre. J’entrai seul d’abord.

— Quelqu’un désire te voir, lui dis-je.

— Grazia ! s’écria-t-il sans hésiter.

Elle entra, courut au lit, s’y pencha, pendant qu’il se soulevait vers elle, et en un moment leurs mains, leurs haleines, leurs bouches, furent unies. Oh ! ces amours italiennes ! Qu’elles fussent durables autant que passionnées !… Je me sentis de trop et les laissai seuls.

Pourtant, il me fallut rentrer sans être appelé ; car il était une heure et demie du matin