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Page:Leo - Grazia.djvu/136

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est un frein puissant, et les délits deviennent de plus en plus rares.

Nous avions donc avec nous un barracello monté sur un joli cheval noir, à tête fine, les épaules couvertes de son capotu, dont le capuchon pointu se superposait sur sa tête au bonnet phrygien ; le menton orné d’une barbe noire superbe, son fusil en travers de la selle, et un daghan, long comme un petit sabre, à la ceinture. Cet homme n’allait pas à Oliena, mais assez près, et Antioco s’était arrangé pour partir en même temps que lui, afin de profiter de son escorte. Nous étions au 15 juin ; il faisait une forte chaleur ; nous suivions la route escarpée qui descend au Cedrino, au milieu des oliviers et des amandiers, dans les riches terrains qui sont au sud du plateau. En tournant les yeux en arrière, et regardant tout en haut, on apercevait un pan de l’église de Nuoro, qui de là semblait un fort du moyen-âge, et devant nous, sous nos pieds, le Cedrino, tout rempli de lauriers-roses en fleurs.

Nous causions ; le barracello nous racontait de bon tours joués aux carabiniers, et l’on riait ; Antioco seul, du bout des lèvres, et promenant des regards inquiets autour de lui.

Tout à coup, nous le voyons glisser de la selle et disparaitre sous le ventre de son cheval. En même temps, une détonation retentit et j’aperçois en face de nous, debout sur un rocher, Nieddu, qui, reposant son fusil, s’appuyait dessus en nous regardant. Mon cœur se serra ; je crus à un meurtre, et sautant de cheval je courus à Antioco. Le barracello et le domestique en avaient fait autant ; mais à notre grande surprise, à peine l’eûmes-nous approché, qu’Antioco se releva de lui-même. Il était pâle comme un mort ; mais de blessure aucune trace.

Le misérable ! s’écria-t-il, a voulu m’assassiner. Tirez dessus ! Abattez-le !…

Et lui-même saisit son fusil. Nous l’arrêtâmes. Nieddu, immobile sur sa roche, nous regardait toujours en souriant.