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Page:Leo - Grazia.djvu/156

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sur la table. Elle était vêtue de ses habits du dimanche et parée des bijoux que lui avait donnés Antioco. Sur son sein, à l’ouverture de la chemise, brillait une large agrafe d’or ; les manches de son corsage écarlate ruisselaient de boutons d’argent, suspendus par des aiguillettes, et ses doigts, à l’exception du pouce et du petit doigt, disparaissaient sous les bagues. Mais, en dépit de ces parures tapageuses, elle avait gardé son air chaste et doux ; son corset, au large ruban bleu, dessinait avec la même candeur sa taille fins et pure, et il n’y avait en elle rien de plus qu’une grande expression de tristesse. Évidemment, elle ne savait pas que nous dussions venir ; car, en apercevant Effisio, un cri étouffé sortit de ses lèvres ; elle devint toute pâle et faillit laisser échapper le plat qu’elle portait.

Plus pâle encore, et sans doute offusqué par les joyaux, Effisio avait détourné les yeux ; je voulus prendre la minestra des mains de Grazia ; ce petit débat lui permit de se remettre. Elle ne parla qu’à moi, et ce fut à peine si Effisio la salua. Mais, d’un mouvement commun, à l’instant de se séparer, par un élan de passion qui me fit frémir, ils jetèrent les yeux l’un sur l’autre et s’étreignirent du regard. Honteuse ou heureuse de sa faiblesse, elle ferma les yeux… ; de Ribas venait à notre rencontre ; je masquai le trouble d’Effisio en me présentant le premier, et notre hôte nous introduisit dans la salle voisine, où le couvert était mis et où se trouvaient rassemblés environ une quinzaine d’hommes, parmi lesquels les deux Tolugheddu.

André Léo.

(À suivre.)