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Page:Leo - Grazia.djvu/16

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Grazia avait eu le bon goût d’adopter le négligé, c’est-à-dire le fichu de laine, et sous l’ombre de cette coiffure, semblable à celle des vierges chrétiennes, son visage, d’un type allongé, délicat et rose, me semblait plus aimable à mesure que je la regardais. Dans cette physionomie, où la douceur n’excluait pas l’intelligence, il y avait un je ne sais quoi de rêveur, de profond et d’indécis que je ne pouvais définir. Était-ce rêve d’amour ? Faiblesse de caractère ? Aspiration idéale ? Ou tendance mystique ? Je ne pouvais me prononcer que sur un point : elle était vraiment charmante, et rien n’était plus propre que cet air rêveur à faire rêver… Avec cela, une taille déliée, souple, qui n’empêchait des trésors arrondis, révélés par la chaste indiscrétion du corsage. Quelle inspiration pensai-je, de l’avoir appelée Grazia ! — Et il me semblait que ce nom-là elle avait dû l’apporter en venant au monde. Cet Effisio n’était pas un maladroit.

Notre colloque à trois ne fut pas long. Deux voisines entrèrent en disant je ne sais quoi et vinrent se planter en face de moi pour me contempler. Deux ou trois enfants se glissèrent entre leurs jupes ; ensuite, vint un homme, puis deux, puis je ne sais combien, et à mesure qu’il en sortait, d’autres entraient, et ces gens-là me considéraient sans vergogne ni embarras, comme si j’étais tombé de la lune. Je vis avec plaisir que mon amie Grazia n’était pas très-contente de cette indiscrétion. Elle me protégeait de son air doux, répondait elle-même aux questions qu’on lui demandait (je le voyais bien) de m’adresser et d’un ton sérieux qui semblait dire : En voilà bien assez ! Mais il était évident qu’ils ne comprenaient pas et se croyaient parfaitement dans leur droit. J’entendais répéter : Francese ! Francesel et : Parigi ! Parigi !

Je pris le parti de les examiner, comme ils m’examinaient eux-mêmes : c’était, autant que j’en pusse juger par les échantillons que j’avais sous les yeux, et ce que j’a-