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Page:Leo - Grazia.djvu/243

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derrière nous des gens qui pourront nous dire ce que c’est que ce coup de feu.

— Vous tenez à le savoir ? me dit Cesare.

— Pourquoi pas ? Je vous vois quelquefois occupé de curiosités qui n’ont pas plus d’importance.

Nous attendîmes. Le char, évidemment trainé par des bœufs, s’avançait lentement. Nous fîmes quelques pas à sa rencontre : il était chargé de ces énormes sacs où l’on transporte le liége ; nous hélâmes le conducteur, que nous supposions couché entre les sacs — car le Sarde — ne marche guère, et n’épargne jamais les forces de son bétail, — mais nous n’eûmes pas de réponse.

— L’ivrogne ! s’écria Cesare.

— Mais il n’y a personne, dit Effisio, qui venait de faire le tour du char. Cela devient inquiétant ; allons voir !

— Êtes-vous fous ? répondit Cesare ; Et si c’est une bande de grassatori !… Retournons à Nuoro et faisons notre déclaration à la police.

— Un seul coup de feu n’indique pas une bande de grassatori, dis-je ; c’est plutôt une vengeance particulière, et il y a peut-être un homme à secourir. Tenez, arrêtez seulement les bœufs et attendez-nous ici.

— Que j’arrête les bœufs ! exclama Cesare Siotto, comme s’il jugeait la chose au-des- sous de sa dignité.

Nous ne lui répondîmes pas, nous étions partis, le cœur serré par le pressentiment de quelque chose de terrible. Suivant chacun un côté de la route, nous l’explorions soigneusement du regard. À deux cents pas environ de notre point de départ, une forme noire, allongée au bord du précipice, nous fit passer un frisson dans les veines. Nous approchâmes ; c’était un homme, la face contre terre ; nous le touchâmes : il était inerte ; Effisio souleva sa tête, et le regardant de près s’écria :

— Pepeddo !

Un moment, nous demeurâmes silencieux d’horreur devant le cadavre de ce pauvre