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Page:Leo - Grazia.djvu/281

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fis un bouquet. Ce lieu, ces fleurs, me reportaient au jour de la noce de Grazia, et j’avais le cœur serré. C’était là, tout près, qu’avait passé le cortége, et je la voyais encore, pâle et morne sur son cheval, pareille, non pas à une épouse, mais à une condamnée qu’on emmène, et près d’elle Antioco, pimpant et superbe, le sourire aux lèvres, mais l’œil inquiet, regardant avec trouble les lauriers roses, comme s’il s’attendait à voir passer entre leurs branches le canon du fusil de son ennemi. J’entendais retentir autour d’eux les lazzis et les éclats de rire des joyeux jeunes gens de la noce.

— Eh ! Mauro !… Eh !… Où vas-tu si vite ? Eh ! Mauro !…

C’était don Antonio qui hélait ainsi un cavalier galopant dans le chemin à bride abattue.

Cet homme tourna la tête, et en voyant de Ribas, il poussa une exclamation que nous entendîmes, puis il arrêta brusquement son cheval.

— C’est un domestique d’Antioco, nous dit alors de Ribas. Il va sans doute à Nuoro, et peut-être avait-il quelque chose à me dire ? Au moins, je veux lui demander pourquoi il galope comme ça sans s’arrêter. Je l’ai vu descendre de tout là-haut ; je ne dis pas qu’il faille ménager les chevaux, mais ces gens-là les crèvent quand ils s’y mettent. Pendant qu’il parlait ainsi, il se dirigeait vers Mauro, et nous le suivions, tenant nos chevaux on laisse. Da son côté, le domestique avait mis pied à terre et venait au-devant de nous. Il franchissait le pont comme la voix de don Antonio était parvenue à son oreille, et nous nous trouvions sur la même rive.

À distance, l’aile de cet homme me frappa. Il y avait quelque chose de défait et de consterné dans son attitude. Cela frappa également de Ribas, qui s’écria :

— Qu’y a-t-il donc ? Mauro !

L’homme baissa la tête devant don Antonio ; je vis trembler la main dont il tenait