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Page:Leo - Grazia.djvu/301

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— Toi ! dis-je ; et comment ?

— N’as-tu pas vu que… Grazia… devait être le prix du vengeur d’Antioco ? Cela est ainsi généralement dans nos montagnes, La veuve, quand l’assassiné n’a pas de frère, ou de fils valides, est chargée de lui trouver un vengeur, qu’elle épouse. Ne l’as-tu pas entendue, elle aussi, prononcer serment de se vouer à la vengeance d’Antioco ? Or l’assassin de Nieddu était déjà trouvé ; il s’est offert : c’est Pietro de Murgia.

— J’ai vu, ou entrevu, tout cela, dis-je ; mais Grazia est désormais maitresse d’elle-même, et si, emportée par la pitié, par l’exaltation de ce deuil, par le remords, qu’on sentait dans ses paroles, de n’avoir pas assez aimé son malheureux époux, si ce jour-là elle a beau coup promis, déjà, sois-en sûr, cette exaltation est tombée ; déjà, sans doute, elle se défend de trop penser à toi.

— Grazia, me répondit-il d’une voix sourde, n’est pas plus maîtresse d’elle-même que par le passé. L’autorité de la famille ici domine la femme toute sa vie, et tu as vu que Grazia l’accepte, cette autorité. Puis, un serment prononcé sur un cercueil engage une âme timide et scrupuleuse comme la sienne. Elle voudra le tenir, en vint-elle à le trouver injuste. Je me disais tout cela, mon ami, et comme je ne puis me faire assassin, comme il me semble qu’entre elle et moi il ne peut y avoir fatalement qu’obstacles infranchissables, je pensais fortement à reprendre nos projets, à partir avec toi pour la France et à rompre volontairement avec ce funeste amour, qui, malgré toutes les bonnes raisons que je m’adresse, me reprend chaque jour ici de plus en plus, comme une fièvre attachée au pays.

— S’il en est ainsi, lui dis-je, tu as raison ; partons, Effisio ! Tu as abjuré le passé, tu es devenu homme du 19e siècle, et l’un des plus avancés. Tu ne peux te soumettre à cette barbarie de mœurs, qui t’a déjà brisé, et si vraiment la pauvre Grazia ne peut, ne veut