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Page:Leo - Grazia.djvu/321

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car c’est un fameux vaillant, ne t’en déplaise. Il m’a dit : Voyez-vous, don Antonio. Il faut tout prévoir ; puisqu’on ne sait jamais ce qui peut arriver. Si Nieddu venait à s’échapper de prison-ça s’est-vu — ou si les juges allaient l’acquitter — ils sont capables de tout, — alors, la vengeance reviendrait bel et bien à l’époux de votre fille ; — c’est pourquoi, si elle ne veut point attendre pour se marier après le procès, et ça pourrait être long, puisqu’on vient d’en juger plusieurs qui sont en prison depuis trois ans, c’est pourquoi, il faut que votre gendre s’engage, vis-à-vis de vous et de dona Grazia, à refroidir l’assassin de notre pauvre Antioco, au cas où le maudit redeviendrait libre. Pour moi, a-t-il ajouté, je jure quand on voudra, comme j’ai juré en mettant ma dague sur le cercueil ; et ma dague et mon fusil seront toujours prêts, si dona Grazia veut bien me charger de sa vengeance.

Effisio connaissait trop bien don Antonio et les mœurs de son pays, pour attaquer le point vif de la question, à savoir le droit même et l’utilité de la vendetta. Désolé et déconcerté de ce coup porté par le rusé de Murgia, et auquel il ne s’attendait point, il se borna à relever ce qu’avaient de peu probable de telles prévisions, et l’inutilité d’un serment aussi solennel, en vue d’une possibilité si peu sérieuse. Don Antonio se leva mécontent.

— Je sais bien, lui dit-il, que tu n’es plus des nôtres, et que tu as pris les idées des étrangers. Tu n’oses pas le dire ; mais tu es de ceux qui prétendent qu’il faut supporter les affronts sans les venger. Sache bien qu’un homme de cette humeur-là n’épousera jamais ma fille ! Je ne la donnerai qu’à un vrai Sarde. Je t’ai prévenu : vois ce que tu as à faire ; mais en attendant ne viens pas monter la tête à Grazia, pour lui faire encore du chagrin inutilement. Si tu ne veux pas être mon gendre, suivant l’honneur de notre race, j’en ai un sous la main, je t’en préviens, qui me convient tout à fait, et qui