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Page:Leo - Grazia.djvu/461

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comme entre des tenailles, et je ne puis respirer que je ne l’aie vu de loin ramener ses pas vers nous. Fedele m’a promis de tuer Murgia, maintenant qu’il se voit menacé par lui, Hélas ! le pourra-t-il ? Cet homme est plus rusé qu’un renard ; on le croit toujours ailleurs qu’où il est, et on le voit paraître quand on s’y attend le moins. Vous avez bien vu tout à l’heure. Le plus sûr, c’est qu’il ne soit pas chargé de la vengeance des Tolugheddu ; car alors il ne fera rien contre nous, n’y ayant point intérêt, et craignant d’avoir affaire avec la justice. Dites donc la vérité à don Antonio ; je suis prête à la jurer sur le crucifix. Et si Pietro le sait, que ce soit du moins sur moi qu’il se venge !…

Elle me disait tout cela avec une abondance de larmes, de soupirs, de regards de feu, tantôt joignant les mains avec force, tantôt les appuyant sur son cœur, et tantôt levant les bras avec énergie. Il me fut cruel de décourager son espoir. Mais je lui devais la réalité. En apprenant que j’avais déjà vainement communiqué mes soupçons à don Antonio, elle s’épancha en malédictions contre tant d’aveuglement et de lâcheté.

— Car, dit-elle, en mettant avec intelligence le doigt sur la plaie, c’est la crainte qu’ils ont de lui ! Enfin, malgré tout, répétez-leur ce que je vous ai dit. Me le promettez-vous ?

Je le lui promis, et nous nous quittâmes.

Peu de temps après, je m’asseyais à la table des Ribas. Nous e : ions une vingtaine de convives au moins ; mais, à cause de l’insuffisance de la table, les hommes seuls étaient assis, en vertu de la loi barbare, si peu naturelle, qui donne au plus fort, à l’exclusion du faible, l’aise et le repos. Faute d’être gai, le repas était bruyant ; Pietro parlait haut, buvait largement, et faisait les honneurs, éclipsant le chef de la maison. De temps en temps, je le voyais tomber dans un assombrissement, qu’il secouait aussitôt. Deux ou trois fois, je