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Page:Leo - Grazia.djvu/468

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l’un des premiers témoins oculaires, je n’avais rien vu, je ne savais rien. Cet éboulement de pierres, sous des pas humains, en des sentiers où les pâtres ne passaient qu’en plein jour, était le seul indice qu’on put rapporter à l’assassin mystérieux, que nul n’avait aperçu, pas même sans doute sa victime. Raimonda ne s’était occupée que de son amant ; elle n’avait, en ma présence du moins, accusé personne. Et cependant, de toutes parts, la voix publique dénonçait Pietro de Murgia comme l’assassin.

Le lendemain de la fête, les fidèles descendaient de la montagne, et de ceux-ci à ceux d’en bas, qui les premiers avaient su l’événement, c’étaient des questions multipliées et d’ardents récits qui se croisaient. Les uns peignaient l’affreux spectacle de la route, le transport lugubre, les souffrances de Nieddu, la douleur des siens. Ceux d’en haut étaient tenus de fournir des détails sur les allures de Pietro de Murgia, dans la soirée. Or, quand une foule se charge d’une instruction, elle s’en acquitte avec plus ou moins d’exactitude ; mais toujours avec zèle. Et voici ce qu’on racontait :

À l’heure de l’assassinat, les de Ribas, assis à leur porte, prenaient l’air du soir, avec les Tolugheddu et plusieurs autres personnes de la neuvaine. Pietro de Murgia, ni aucun de ses familiers n’y était, cela était certain. On causait. Seule Grazia, assise sur le banc de pierre, à côté de sa belle-mère, ne disait rien. Les uns parlaient d’aller se coucher, les autres de passer la nuit à la belle étoile, quand Pietro de Murgia vint tout doucement s’étendre par terre, à côté de Quirico, déjà endormi, et d’un Norésien, nommé Tolu, voisin des Ribas. Pietro ne dit mot d’abord ; puis il proposa de rentrer ; les Tolugheddu l’approuvèrent, et bientôt la famille entière se retira dans la chambre et la porte se ferma. Ce fut alors que Tolu, Sirven et la femme de celui-ci, avec la fille des Murtas, entendirent un cri poussé par Grazia ; puis, la porte se rouvrit et l’on posa sur le seuil Grazia presque évanouie. Sa mère voulut la déshabiller ; car elle avait encore tous ses vêtements ; mais, elle, les mains sur son sein, ne voulut pas, disant : — Laissez-moi ! Et la fille des Murtas, qui regardait plus loin dans la chambre,