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Page:Leo - Grazia.djvu/470

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plusieurs personnes lui parlèrent ; mais nul n’osa l’entretenir de l’événement. On regardait son visage, pâle à l’excès, et on le quittait bientôt, après lui avoir serré la main. Arrivé devant le café, il y entra, et nous prîmes place tous deux à une petite table, à l’intérieur, car le soleil emplissait la rue. Il était environ midi. Le café avait plus de monde qu’à l’ordinaire, une quinzaine ; on venait là pour parler de l’assassinat et avoir de nouveaux détails. En écoutant, nous apprîmes que Nieddu avait rendu le dernier soupir à quatre heures du matin, sans avoir repris connaissance ; il n’avait parlé qu’un moment, après être tombé sous le coup de feu. Quand Raimonda, penchée sur lui, l’appelait en criant, il avait rouvert les yeux, disant : « Ô ma bien-aimée ! je suis mort. Adieu ! Puis, ses yeux s’étaient refermés. Raimonda ne pleurait pas ; assise près du mort, elle tenait sa main dans la sienne et le regardait fixement. On n’avait pu la faire bouger de là jusqu’à onze heures environ. Alors, elle avait demandé à manger et à boire du vin.

C’était un Sarde volsin des Nieddu qui racontait cela et il ajoutait : — C’est une étrange fille !

Tout à coup, je vis à la porte du café la grande taille de Pietro de Murgia ; il entrait, suivi de don Antonio. Son attitude était encore plus insolente qu’à l’ordinaire. Il regarda tout le monde en face, et nous salua. Effisio lui rendit son salut avec une politesse qui m’épouvanta. Pour moi, je ne le fis point ; je saluai seulement don Antonio. Celui-ci copiait un peu l’attitude de Pietro de Murgia ; mais son triomphe était plus franc. Le brave homme était réellement satisfait, et se croyait plus digne après cette vengeance. Il vint, nous serrer la main, que nous lui donnâmes froidement. Emporté par le rôle qu’il affectait, Pietro de Murgia allait imiter don Antonio, quand je mis ostensiblement mes mains dans mes poches en le regardant. Il se le tint pour dit ; mais verdit de colère. Et, dans son regard, je vis clairement que la bête fauve aspirait à se jeter sur moi ; tandis que l’homme se disait sans doute qu’il avait assez à faire de se débarrasser des suites d’un seul meurtre, et qu’il fallait tout au moins remettre la chose à