Page:Leo - Jacques Galeron.djvu/191

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Le jeune comte William de Montsalvan, fiancé à la plus jeune des deux filles d’un ancien notaire, se met, sans le vouloir et sans s’en douter, à aimer l’autre peu à peu. Il s’est aperçu que sa fiancée chérit surtout en lui son titre : cela l’écœure et le détache. Au contraire, il découvre en l’autre sœur un esprit plus libre de préjugés, une raison plus forte et plus élevée, un caractère décidé, courageux, une âme fière : cela séduit la sienne, qui n’est ni moins noble ni moins généreuse. L’auteur, j’imagine, s’est peint lui-même dans ces deux personnages très-attachants. Les développements coulent à grands flots de la source la plus haute et la plus pure, celle de la justice et de la bonté.

Ce livre-ci n’est pas moins remarquable qu’Un Mariage scandaleux ; on y trouve les mêmes qualités, encore mûries. Il faut qu’on me permette d’en détacher une page comme spécimen de l’auteur :

« Le luxe de ces campagnes contraste avec la misère de leurs habitants. Les demeures des hommes ressemblent à des étables, et c’est une risée amère que de voir, à côté du vernis éclatant des feuilles et de la fine texture des herbes, les sales haillons du prétendu roi de la nature. Encore ne serait-ce rien que le vêtement ; ce qui m’indigne surtout, c’est l’abaissement moral et intellectuel de ces visages. Rien d’élevé, de noble, de viril ; nul éclair. Les traits sont gros, quelquefois ignobles, la face bestiale. Ils vous saluent humblement, ou vous regardent passer d’un air hébété. Entre les poulains gracieux et éveillés qui accourent pour vous voir, au bord de la route, et le petit berger, stupéfait et les bras pendants, qui vous regarde, sans même répondre à votre bonjour,