mière soirée que nous passâmes chez mademoiselle Prudence, après l’arrivée de Jacques Galéron.
Nous étions à la fin de janvier ; il faisait très-froid. Tandis qu’une partie de la compagnie occupait la table de jeu, et que l’autre entourait la cheminée, Suzanne s’était placée dans le coin le plus obscur, à côté d’une porte ; et, masquée par les joueurs, elle feuilletait assez tristement les Annales de la propagation de la foi, seule publication moderne et récente qu’on trouve chez mademoiselle Prudence.
Mademoiselle Prudence Rochet est une fille de cinquante ans, un peu voûtée, brèche-dent, jaune de peau, l’œil vif et la voix mielleuse. Elle porte habituellement un bonnet à rubans roses, et parle en s’écoutant. C’est elle qui pare l’autel le dimanche, qui raccommode les surplis et les chasubles, qui dresse les reposoirs de Pâques et de la Fête-Dieu. Elle surveille aussi quelque peu le presbytère, et fait aux jours de gala les hon-