Page:Leo - L Ideal au village.pdf/129

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ouvrage, et se mêlait à la conversation des joueurs. À la clarté d’une chandelle fameuse, Lucien la contemplait encore ; il échangeait avec elle des mots, des regards d’intelligence ; il voyait éclater ses dents blanches dans le sourire, et se trouvait là si heureux qu’il y fût resté bien tard, si Deschamps, fidèle aux habitudes consacrées de la campagne, ne l’eût congédié vers neuf heures.

Un soir, cependant, que le vif intérêt du jeu avait entraîné une dérogation à la règle, Lucien, rentrant un peu tard, conçut un remords en n’entendant plus comme à l’ordinaire les accents du piano, dont Cécile jouait tous les soirs, et en trouvant sa sœur assise toute pensive dans un coin de la chambre. Après l’avoir tendrement embrassée, il sentit le besoin de s’excuser :

« J’ai cru que la partie de dominos, ce soir, n’en finirait pas dit-il, ce Deschamps est si joueur !… »

Un sourire ironique de Cécile l’arrêta.

« Tu te moques de moi, méchante ; mais tu en as bien le droit. Je suis un mauvais frère, n’est-ce pas ?

— Moi, je ne demande qu’une chose, c’est que tu sois heureux.

— Oui, je le sais ; mais c’est trop de dévouement ; tu devrais être jalouse. »

Il attira sa sœur sur ses genoux, et, la regardant avec tendresse :

«  Je me dis souvent que je devrais être à la fois ton père et ton frère, puisque tu n’as plus que moi et que je suis le plus âgé. Mais je ne sais pas comment tu t’arranges ni comment je te laisse faire ;