Page:Leo - L Ideal au village.pdf/257

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mais les autres, signes encore indéchiffrés, dont à peine on connaît les plus gros caractères, formeront un jour une science, celle de l’hiéroglyphe humain, l’ontologie même. Entre deux natures faites pour s’entendre, ces révélations instinctives ont plus de force et portent sur-le-champ l’impression à l’esprit.

À mesure que Cécile pénétrait ainsi plus profondément dans le cœur de Louis et se voyait plus aimée, elle éprouvait deux sentiments opposés : de l’effroi, soit qu’elle sentît sa propre liberté en danger, soit qu’elle craignît le malheur de Louis ; et, d’un autre côté, cet attrait qui emporte l’âme vers l’âme, essence de l’amour. Cet attrait si puissant, chez les femmes surtout, parce qu’on y a restreint toute leur destinée et toutes leurs préoccupations, ne devait-il pas à la longue être le plus fort ? Pour les êtres d’un ordre élevé, la plus grande de toutes les séductions est un amour vrai. Combien il est rare, Cécile déjà le savait.

Après le dîner, la jeune fille chanta et joua plusieurs morceaux ; Louis, tandis qu’il sentait se réveiller et s’exalter en lui, à ces purs accents, toutes les puissances de son âme, la contemplait. Vers neuf heures, voyant Lucien qui allait et venait d’un air agité, Louis, en soupirant, se leva.

« Ah ! vous partez ? s’écria le jeune peintre. Ma foi, j’ai bien envie de vous reconduire un peu ; la nuit est superbe, et je n’ai pas marché du tout aujourd’hui.

— S’il s’agit d’une promenade aux étoiles, j’en suis, dit Cécile.

— Soit, dit Lucien, tu n’es jamais de trop, toi. »