Page:Leo - L Ideal au village.pdf/290

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line vous est acquise, et je ne puis que vous féliciter d’élever votre ambition à la hauteur de vos destinées. Vous appréciez, ma fille, à leur juste valeur les droits de l’homme, et vous prenez la chose tout à fait comme il faut. Mais il eût été bon d’allonger vos jupes. »

Cette allocution n’était pas de nature à calmer Cécile. Elle fit signe de la main aux deux jeunes gens pour les engager à se retirer, et, à demi suffoquée, elle cacha son visage dans son mouchoir. Mais Doucette elle-même prit le parti de céder la place, entraînant dans sa fuite une casserole et deux plats, que sa crinoline, en rasant la table, lui jeta sur les talons.

« Il y a décidément une folie dans l’air, dit un peu amèrement Lucien après son départ.

— Oui, voilà leur idéal ! observa Louis en soupirant.

— Eh bien, dit Cécile en découvrant son visage, tout ému encore de l’accès de rire nerveux qu’elle venait de subir, comment en pourraient-ils concevoir un autre ? Et qui s’occupe de le leur révéler ? Vous, je le sais, reprit-elle, s’adressant à Louis ; mais vous leur avez présenté les choses à une hauteur qu’ils ne pouvaient pas atteindre, et trop d’influences contraires, d’ailleurs, vous ont combattu à ce moment-là. Mais enfin soyons justes, de quelle manière, au milieu de la vie misérable qu’ils mènent, une vie supérieure se présente-t-elle aux yeux des gens du peuple ? N’est-ce pas seulement par la robe de soie de la bourgeoise qui passe à côté d’eux en frôlant leur bure, ou par le luxe de la maison et de