Page:Leo - L Ideal au village.pdf/308

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le cœur de Louis que de faire appel à son héroïsme ; il partit en courant.

Lucien reconduisit Lilia, chez laquelle il devait attendre le retour du docteur, afin d’avoir des nouvelles, et Cécile resta seule. Mais, en esprit, elle secondait Louis dans sa triste tâche, et, afin d’étouffer tout espoir cruel, elle forma des vœux sincères pour leur ennemi.

Vers minuit seulement, Lucien rentra. Il avait revu le docteur, qui lui avait confirmé la mort de M. de Pontvigail. Celui-ci avait été secouru trop tard. L’accident lui était arrivé au retour d’un dîner qu’il avait fait chez Deschamps, où le vieillard allait souvent depuis qu’il devait épouser Rose. Il avait beaucoup mangé, beaucoup bu, et s’était montré plein d’excitation et d’entrain. Son amabilité vis-à-vis de sa fiancée avait même été si vive que Rose s’était enfuie en pleurant dans sa chambre. Cela, pour un instant, avait mis M. de Pontvigail de mauvaise humeur ; mais il s’en était consolé par un petit verre de plus et par de nouvelles plaisanteries. Vers huit heures enfin il était parti, et Deschamps avait offert de le reconduire ; mais le vieillard avait opiniâtrement refusé, et s’était éloigné en fredonnant. Il faisait clair de lune, et aucun danger ne semblait à craindre.

Après neuf heures, cependant, Gothon, ne voyant pas revenir son maître, était allée au devant de lui. En arrivant sur le pont, elle avait vu quelque chose de noir et s’était baissée pour y toucher de la main : c’était un grand trou béant, produit par la rupture d’une des planches du pont, que le vieil avare de-